L'enclave aux vieilles ... Petite musique


...

Je vis dans un bosquet de feuillages. 
Depuis ... un certain jour de glissage imprévue. Mais après tout, quelle importance ? 

Ici, les saisons se sont suspendues au bord des fossés. Vous savez bien, ces tranchées qui nous séparent de la tristesse des gens d'en haut.
Quel ennui de les voir s'agiter continuellement !
Leur existence menée par ce temps imposé. 
Rien ne fonctionne chez eux, sans cette horloge naturelle.  
Ils ne peuvent pas ignorer la boule jaune qui chauffe. Ni sa cousine qui les surveillent d'un oeil, lorsqu'il est temps de reposer ses feux. 
J'ai entendu dire qu'ils s'imaginaient des choses insensées ! Que leur Terre tournerait autour de la boule, par exemple. Et bien d'autres âneries ...

Quand je pense qu'avant, j'étais aussi atteinte de cette frénésie épuisante ! Heureusement, j'ai chuté, un beau jour. Directement dans la trappe principale. La plus rapide. La figue bien tentante. Sa chair avait craquelé la peau violacée. J'ai voulu l'attraper, et lui faire son affaire. Bien m'en a pris. J'ai dégringolé à la vitesse de l'éclair. Tête par dessus jambes. Même pas le temps de dire ouf. Et j'étais déjà arrivée au paradis.

Entendons nous bien !
Je n'étais pas morte, bien sur. C'était avant, que je l'étais. Mais je l'ignorais. Comme ceux d'en haut, l'ignorent probablement.
Lorsque j'ai repris connaissance, j'ai regardé autour de  moi. Tout d'abord, les arbres. Millénaires. Majestueux. J'ai respiré, à plein poumons, pour me rendre compte si j'étais tout de même un petit peu entre deux mondes.
Et là, le choc.
Je ne respirais plus.
J'étais la respiration elle même.
Vous ne croiriez pas, si vous ne l'expérimentiez pas.

Je n'ai, à aucun moment, tenté de remonter la pente.
Pourtant, j'aurai pu.
A vue d'oeil, il n'y avait pas plus de quelques mètres qui me séparait de la ruelle d'où j'avais dévalé.
Mais je me sentais bien.
Vous savez, il existe des endroits, où l'on se sent chez soi, à peine arrivé.
Et bien là, j'étais, pour ainsi dire, chez moi.
Alors, j'ai décidé de visiter mon nouveau chez moi. Tout simplement. 

J'ai promené, tranquille, dans les allées verdoyantes, et la douce lueur me suffisait à me diriger. Je n'ai jamais été inquiète de ce qui se passait. 
Les larges feuilles d'érable qui effleuraient ma peau, alors que je déambulais, à pas feutrés, soignèrent mes plaies.
Point de souffrance ici bas.

Alors que j'avançais, sereine, le nez en l'air, à humer avec délectation, j'avais l'impression que tout allait basculer pour moi.
Dans le bon sens.
Je me suis assise sur une souche. 
La mousse tendre qui la recouvrait était le plus soyeux des coussins. 
A peine posée sur l'étoffe caressante, j'ai compris que je ne serais jamais mieux qu'ici. 
Tout ce qui m'entourait me parlait.
Pas des mots prononcés et entendus de mes oreilles. Bien mieux que tout cela.
J'étais comprise. Et entretenue. 
Ce n'était pas dans ma tête. C'était partout. Autour. Dedans et dehors. Ambiant. Sans ambivalence.
La plénitude.

La suite n'a que peu d'importance.
Ce fut dans la logique des choses.
J'ai trouvé ma maison.
Elle m'a reconnue, devrais-je dire.
Elle possédait un adorable petit puits, doté d'une large margelle sur laquelle j'aime m'asseoir. Les pétales des mauves qui l'entourent caressent mes mollets lorsque je m'approche.
La petite mare qui se trouve devant ma maison est le plus agréable des bains qui soit. Je deviens sirène ondulante à peine mes pieds posés sur le bord. 
Et mes ballets nautiques ravissent les enfants dont j'ai la charge. 

Les enfants. 
Ils sont si doux. Si confiants. 
Cela fait des lustres que j'ai compris à quel point leur présence était importante. Primordiale, pour tout dire.
Ils sont l'essence même de ce lieu.
Il s'en nourrit. S'en délecte, inlassable. Insatiable.
Mais il est générosité aussi.
Et redistribue avec une équité parcimonieuse.

Je les berce chaque fin de symphonie. 
Car ici bas, tout n'est que musique intérieure.
Dormez, enfants perdus.
Je suis la gardienne de vos songes.
N'ayez plus crainte de rien.
Je veille.
Mes yeux sont les vôtres.
Mes oreilles vous entendent.
Notre lien indéfectible vous sauve et vous égare.
Dormez, enfants aimés.

...



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