L'objet de mon tourment...


...

Je ne dors plus.
Depuis des semaines et des mois.
Je ne sais plus ce que c'est que de poser ma tête sur un oreiller, la laisser s'abandonner sur l'étoffe moelleuse, et partir.
Je retarde l'heure sacrée du coucher, feuilletant ici, bricolant là, farfouillant quelque boite oubliée.
Mes nuits sont entrecoupées de songes qui envahissent mon esprit endormi, au point de me tenir éveillée de longues heures.
Ce ne sont pas des insomnies.
Ce sont des réveils difficiles, alors que je lutte pour ne pas souffrir le jour, et que je m'y vois immergée, la nuit, n'ayant plus d'échappatoire. Et pour cause.
Je m'interdis, alors, toute nouvelle plongée vers Morphée. Du moins dans l'immédiat.
Espérant chasser de mes paupières, ce qui me torture sans fin.

L'évocation même, de l'objet de mon tourment, est tellement douloureuse, que je le confine tout au fond de mon âme, me faisant violence. Continuellement.
Et bien sur, il ressort quand il peut. 
A la nuit tombée, il sent que son heure est venue. C'est son côté vampirique. 
Il a besoin d'espace libre. 
Et que mes barrières tombent. 
Si mon premier sommeil est suffisamment lourd, il s'engage vivement dans les couloirs de mon inconscient. 

Il arrive que je sois plus forte.
Et de l'objet qui me fait tant souffrir, je ne perçois plus que bribes, ou étranges parcelles rattachées. 
Il possède la faculté de s'immiscer partout en moi, au point que je le soupçonne de fonctionner comme un virus grippal. Véhiculé et nourri en mon sein.
Hélas, point de remède !
Juste le temps...
Mais lorsqu'il réussit une percée dans les méandres de mon esprit, c'est alors un festival de curiosités.

Il s'incruste par petite touches, comme tout à coup, un minuscule petit crémier turquoise, que je reconnaîtrai entre mille autres. 
Que j'essuie du bout des doigts, en pleine guerre civile contre une armée compacte de monstres de foire, plus ridicules les uns que les autres. 
Je pose mon arbalète à compression contre un mur décrépi, et j'effleure la céramique lumineuse. 
Puis, je repars au combat, dégommant un homme sans tête, la femme à barbe du 6ème, et cet épouvantable gnome à cheveux rouges.
Le paradoxe de la guerrière, sans foi ni loi, qui faiblit devant la fragilité d'un peu de terre.
Je suis perdue d'avance.
Je n'ai jamais su que faire, face à la vulnérabilité des choses, ou des êtres.

Et à chaque réveil, je me glace un peu plus.
Comme une enfant, je me répète, cinq fois de suite, que je ne veux pas faire de cauchemars. 
Mais en sont-ce vraiment ? 
Je me poste en mode d'auto-programmation ultime, espérant un refuge dans un futur prometteur.
Mais rien n'y fait.

C'est comme si mon propre coeur luttait contre moi même, refusant de m'accorder le repos. 
Comme si, quelque chose à l'intérieur de moi, me disait que je me trompe, que je n'ai rien compris, que les choses n'ont jamais été aussi simples de toute ma vie.
Et moi, je continue à m'accrocher à ce que j'ai vu. 
Et entendu. 
Et cru comprendre. 
Et cru entendre.

Il ne me reste plus qu'une chose à faire.
Puisque la fuite ne sert à rien.
Autant l'affronter.

...



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