Avant d'écrire une lettre d'amour platonique

 
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Il ne s'agit pas d'une lettre type, bien au contraire. Elle a une mission, cette déclaration là. Elle se veut à la fois aveu et désaveu.
Elle doit rester en équilibre sur la frontière, celle qui fait de l'autre, pas vraiment un ami, pas vraiment un amant. Complexe.
Et terriblement délicat.
Grosso modo, on peut tout avouer, mais surtout ne rien promettre.
L'idée générale reste de reconnaître la faiblesse, de la transcender, puis d'en faire une alliée, une force. C'est malin. Et très instructif.
Comment illustrer que " L'amour n'est qu'une ruse de la nature pour pousser l'espèce humaine à se reproduire * " ?
Souvenez-vous que l'inatteignable s'idéalise.
Odalisque intouchable parmi les êtres de chair, faut savoir choisir.
Donc.
 
La théorie se pourrait draper d'amour pur, une équivalence louable récupérée par la religion, notamment. Aimer sans attendre de retour, c'est se targuer d'utopie et ne vouloir rien entendre aux élans naturels, étouffer avant même qu'ils ne se manifestent, le désir de se fondre, l'envie d'être conquis, et de prendre ce qui est offert, celle qui fait de deux êtres incomplets, un tout accompli.
 
Les relations à distance, qui se déclinent à loisir, de nos jours, ne serait-ce que par le biais de nos systèmes de communication, possèdent les critères idéaux pour entamer de magnifiques amours platoniques.
Les enjeux de l'éloignement révèlent ce que nous sommes prêts à offrir lorsque la proximité n'entre plus en première donne. Vous savez, ce sourire qui va séduire, ce regard, ces formes, et tout ce qui, en globalité, va nous donner le sentiment d'être face à quelque chose de beau, et bon pour nous.
Bien sur, nous avons nos propres définitions de la beauté, et par chance, elles sont aussi nombreuses que nous le sommes également. Un vieux dicton prévient que chacun a sa chacune, quelque part. Il suffit de se mettre en quête. J'aurai tendance à préciser qu'il suffit de se mettre en disponibilité. Rien n'est plus judicieux que d'être prêt, sans attente spéciale.
Et souvenez-vous que l'amour nous choppe souvent au dépourvu.
 
En réalité, une relation platonique peut être aussi satisfaisante qu'une autre, puisqu'elle n'a besoin que d'une chose : être épanouissante. Et la jouissance ne s'obtient pas qu'à travers le sexe. Se sentir parfaitement assorti, avec la bonne personne pour vous, ne signifie pas qu'une partie de jambes en l'air soit nécessaire.
Si vous le croyez, c'est que vous n'avez jamais rencontré de communion réciproque avec l'autre, cette impression de n'avoir jamais rien cherché que cette présence là, cet esprit là, cette compréhension là, ce dialogue ininterrompu, souvent sans mots dire, un langage connu de vous seuls, un code secret d'amour idéal.
 
" Je t'aime avec la certitude que cela ne pourrait être que toi, que chacun de mes souffles s'expirent en accord avec tes inspirations, que la distance n'est rien alors que j'entends ton cœur battre à l'unisson avec le mien... "
 
Vous le notez sans doute : la certitude est la clé ici. Ce qui confère une sacrée différence avec l'amour passionnel, celui qui nous rend soupçonneux de tout, en état d'alerte permanent.
Nous évoquions l'épanouissement plus haut, il est tangible, vue la configuration d'amour platonique. Les enjeux ne sont plus d'actualité puisqu'il n'y en a aucun. L'on aime comme l'on est. Il s'agit d'accomplissement en accord avec l'autre, la fameuse moitié, celle que l'on ne veut pas conquérir puisqu'elle est nôtre. Et nous sommes elle.
Deux corps.
Mais une seule âme, peut être.









* Citation d'Aurélie, dite " La Fougueuse ", compagne de Schopenhauer





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