La lettre d'amour et/ou de regrets

 
...
Peut-on la classifier dans les courriers amoureux ? Tout bien considéré, oui.
Avez-vous déjà reçu une missive de ce genre, qui, de la première à la dernière ligne, vous inflige des " si j'avais su " et " si j'avais pu " etc etc ? Souvenez-vous qu'avec des si, on peut mettre Paris en bouteille... Marseille ? Impossible. La bouteille explose...
 
Une lettre qui commence par Si est définitivement négative, et ne propose en général aucune alternative, ni proposition. On se retrouve face aux regrets de l'autre, qu'il essaie tant bien que mal de nous refiler, mine de rien. En lisant à travers les lignes, il sera vite évident que tout est de votre faute.
Mais oui.
Vous êtes le responsable de tous ses maux, sa souffrance n'est motivée que par votre incapacité à lui donner ce qu'il attend de vous, soit rendre du panache à une relation qui n'a jamais existé que dans sa tête, soit accéder à sa demande, faire de ses Si, des peut-être. Sur ce coup là, c'est chacun qui voit midi à sa porte.
Pour autant, une histoire d'amour n'est pas nécessairement compliquée, avec le Pont de la rivière Kway à traverser sous le feu nourri des canons ennemis. Cela peut aussi couler de source, à l'instar d'un petit ruisselet enchanteur, avec des tourterelles qui roucoulent, des petits lapins mignons, des chatons, et des guimauves à provoquer une crise de foie mondiale.
 
Un exemple ? Voici.
 
" Si tu m'avais laissé t'aimer, nous aurions pu être heureux, toi et moi... Si ta mère ne s'était pas mêlée de notre amour ... Si nous avions vécu dans la même ville ... Si ... si ... si ... "
 
C'est édifiant, non ?
Ce petit adverbe de rien du tout a le talent pour mettre en exergue un coup de semonce, en avertissement.
Si vous aviez réellement eu cette histoire d'amour, elle aurait sans doute fini par une lettre de reproche, ce qui nous amène à un thème voisin. Après les regrets, les reproches.
N'oubliez pas que vous êtes la personne responsable du défaut d'affection de l'autre, et c'est très désagréable. Tout bien considéré, il se pourrait qu'une bonne (?) copine vous suggère que vous auriez dû faire l'effort.
Et là, je suis obligée d'intervenir.
On ne force pas l'amour.
On ne se force pas à aimer.
On ne fait pas semblant d'aimer pour faire plaisir.
Nom d'une pipe !!!
On se respecte en tant qu'être humain.
Le respect commence par reconnaître notre propre valeur, physique et morale.
Personne n'a le droit de vous dire que faire de vos sentiments.
Dégun * !
 
Donc, vous avez votre lettre sous les yeux, celle dans laquelle vous pouvez lire à quel point l'autre attendait de vous le palais des mille et une nuits, et si (!) vous faites abstraction de la lourdeur de l'expéditeur, c'est qu'il insiste le bougre, vous pouvez aussi y trouver quelque chose de jubilatoire.
C'est comme ça qu'on retire le bon grain de l'ivraie.
C'est très flatteur d'inspirer autant de regrets ; vous avez ici de quoi rebooster votre Ego pour un bon moment, et cela n'est pas si fréquent de nos jours, alors je vous propose de transcender tout ça, et d'un tas de crottes de chien, ou de chiures de mouche, d'en faire un magnifique terreau dans lequel vous allez faire surgir, avec le temps qui passe et nous guérit de tout, un merveilleux jardin qui sera à l'image de ce que vous donneriez, si vous aimiez, vous.
 
Et surtout, conservez cette lettre.
A l'aube de vos vieux jours, vous en rirez, c'est sur.
Sans regrets.
 
 
* Dégun : expression marseillaise signifiant avec force PERSONNE.

Commentaires