Les petits mots, billets doux et listes de courses


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A l'heure des téléphones quasi-greffés à nos oreilles et nos doigts, il ne faudrait pas oublier l'outil numéro un des athlètes de haut niveau, celles et ceux à qui on ne la raconte pas, qui savent encore utiliser un objet qui fût usuel, jadis, en passe de devenir vintage, j'ai nommé le stylo.
 
Je serai curieuse de connaître le nombre d'entre vous qui en trimballent un dans leurs sacs ou sacoches, et qui l'utilise pour autre chose que de signer un chèque.
Vous êtes en train de visualiser l'intérieur du fourre-tout, et possiblement vous avez de quoi ravaler plusieurs façades, de quoi rafraîchir les aisselles d'un bus rempli d'ados, des tas de clés qui sont d'ailleurs très lourdes, tiens c'est la clé de la cave de mamie ou quoi, bref, des lingettes anti bactériennes, votre mini sac contenant vos cartes de paiement, de fidélité, de réduction, quelques pièces, au moins deux paquets de mouchoirs, un ou deux en-cas, une bouteille d'eau parce que c'est important de s'hydrater, une paire de chaussettes de rechange, un canif pour peler votre pomme, et une pomme donc, vos lunettes de soleil, comme tous les marseillais qui se respectent, le bouton du jean's de vous ne savez plus qui, et bien si, vous avez plusieurs crayons, à lèvres, à sourcils, à bille, euh non, pas à bille.
 
Mais par contre vous avez un paquet de post-it rose fluo.
Des fois que.
Au pire, vous pouvez toujours écrire un truc avec votre sang, vous me direz, n'est-ce-pas. Ou un stylo.
 
C'est à se demander si cet ustensile n'a pas subi un envoutement interdisant à tout individu en capacité d'écrire, de se soustraire à la tentation, et de ne surtout plus y toucher, ni y penser, encore moins l'utiliser. Le drame.
Vous imaginez, soudain, toute cette population cramponné à son stylo bille, en addiction virulente et incontrôlable, en proie à une écriture aigue nécessitant une mise en place immédiate d'une cellule de crise au Ministère de la Culture.
Comment ça, ils veulent tous écrire partout ?
Sont-ils devenus fous ? Et internet alors ? Qu'allons-nous dire aux lobbies qui remplissent nos caisses ? C'est une catastrophe ! Vite ! Opération multimédia gratuit pour tous pendant huit jours ! Et que ça saute ! Le stylo ne tiendra pas si longtemps, sa mine est trop tendre... Et voilà une révolte matée en deux coups de fil. Pas celui à couper le beurre.
 
Sauf que le stylo n'a pas écrit son dernier mot.
 
Et si, en effet, nous ne sommes pas tenus à tous écrire un roman dans une vie, il existe des chemins détournés pour exprimer ce que nous sommes, des êtres dotés de préhension, nos pouces opposables nous permettent de le tenir, ce stylo.
 
Alors bien sur, tout le monde va me répondre que c'est bien joli tout ça, les sms, mms font déjà le boulot. Certes.
Vous, je sais déjà que vous n'avez jamais reçu de petits mots doux glissés sous votre oreiller, dans vos poches, votre trousse, scotché à votre porte ou simplement sur la porte du frigo.
Je le sais.
Parce qu'il n'y a rien de meilleur, que la découverte physique d'un petit mot, écrit rien que pour vous. Quelques mots tracés, souvent à la hâte, parfois avec un petit dessin, qui sont un rappel instantané que vous avez un vis-à-vis, qui vous écrit, juste à vous. C'est comme un adorable secret, de ceux dont on ne veut surtout rien révéler au monde, pour le chérir encore un peu. Les échanges de petits mots sont une pratique très ludique au sein d'une même famille. Un " N'oublie pas le pain " peut se transformer en jeu de mots, en rébus, en refrain.
Une liste de courses peut ainsi se composer à plusieurs mains, en faire une œuvre d'art communautaire, chacun apposant son espoir à la feuille vierge.
Les mots doux sont devenus les exceptions magnifiques de nos expressions libertaires. Je vous supplie d'en abuser. Vous sèmerez vos petits mots comme graines riches à germer, à grandir, à mûrir.
 
Ces quelques lettres comme de simples cailloux blancs parsemant vos jardins intérieurs.
 
Pour autant, inutile de prôner une hyper communication qui risquerait de détruire l'effet escompté. Un pan de mur entier recouvert de rappels de toutes sortes relève d'avantage de troubles psychiatriques, je pense. Encore une fois, la sobriété est de mise.
 
Qui sait si votre petit mot ne servira pas de marque page à une personne aimée, pendant des années durant ?

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