Les matins où tout est nul


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Y'a des matins comme ça, où dès qu'on pose le pied au sol, déjà, on sait que ça va être la merdouille jusqu'au soir.
La liste ne peut être exhaustive, et pour cause :
- le pied gauche, bien sur, en premier
- le lego qui traîne juste après, aïe
- ou bien le vomi du chat, cet enfoiré miaulassant qui ne pense qu'à bouffer
- le savon dans l'œil en prenant la douche, re -aïe
- le café pas sucré, beurk
- la biscotte qui se brise quand on tartine, et zut
- la tartine qui tombe côté face, grrr
- la tartine qui se casse et tombe dans le café (pas sucré), bon bon bon, on jette tout

Là, on bloque quelques secondes, on prend une profonde inspiration, on fait ce truc bizarre façon yogi, puis maître du kung fu en zébrant l'air du salon, du coup, on tronçonne quelques têtes virtuelles, vite fait, bien fait, voilà, voila, ça va mieux, on reprend tout à zéro.
Pour ce faire, on se recouche.
Bé ouais.
Et on déconne pas avec les pieds en se levant.
Droit, check.
Douche sans savon (déjà fait),check.
En cuisine, un seul mot : organisation.
Café, biscotte, couteau, cuillère, miel, tasse, plateau, check.
Seat down please, check.
Ouf.

Vu comme c'est parti, on va faire l'impasse sur l'originalité pour l'habillage. Sobre. Et le seul truc qui peut nous sauver, c'est la tenue fétiche, dont je ne connais aucune fille qui n'en planque pas une dans son vestiaire. C'est obligatoire. On s'en fout que ça date de X ans, on se sent bien, bonne, belle, bref, les trois B requis. Et on change surtout pas d'avis sinon, c'est le tas de fringues au beau milieu du salon qu'on va devoir ranger ce soir. Pour un peu qu'on soit maniaque avec son dressing, qu'on les range par couleurs, ça va encore, mais y'a bien pire, oh oui. Et ça peut durer des heures, donc, encore une fois, pas de blague, on part avec ce qu'on a sur le dos. Avant de descendre les escaliers quatre à quatre, on débrieffe une dernière fois, clés, téléphone, sac, chaussures, l'essentiel quoi.

Alors faut savoir que ces matins là, ceux qui nous font douter, et bien ce sont aussi ceux qui nous réservent de bonnes surprises. Sans doute parce qu'on est déjà tellement perché, qu'on se laisse plus facilement glisser dans la naïveté, et ça, c'est vraiment bien. Comme on perd un peu de notre méfiance ordinaire, vous savez, celle dont on se drape avant de partir au boulot par exemple, oh rien de bien méchant, mais enfin, sait-on jamais, sans sombrer non plus dans la paranoïa, une attitude normale en milieu urbain quoi.

Et ça se pourrait qu'on fasse une nouvelle rencontre, ne serait-ce que grâce à notre tenue fétiche, au hasard, au coin d'une rue, au détour d'un carrefour, à la librairie, en traversant sur les clous.
Le passage piéton a son intérêt, sachez le. D'abord, il permet l'observation droit devant, en attendant le tricolore, alors faut pas s'en priver, pour une fois qu'on peut mater sans passer pour l'obsédé du boulevard. Deuxio, l'instant un peu magique, celui pendant lequel les individus se croisent, comme un ballet ralenti, c'est pile ce moment qu'on choisit pour se sourire, se dévisager, voire... Et une fois l'autre rive atteinte, rien ni personne ne peut vous empêcher de vous retourner, une dernière fois. Vous risquez d'être surpris de ne pas être seul à pratiquer la variante de la pirouette giratoire.

C'est certain que vous envisagez cette matinée sous un angle nettement plus glorieux, suite à la pirouette giratoire.

Et ce matin où tout était nul s'édulcore, petit à petit.
On va sans doute pratiquer la seconde Inspire/Expire/Sourire des tas de fois dans la journée, mais qu'importe. Je préconise les attaques ninja imaginaires une seule fois cependant. Sauf grosse crise de nerf en vue, ou engourdissements prévisibles suite à station assise pénible et répétitive, aucun intérêt de fracasser tout le monde, même pour déconner. Au mieux, on risque de passer pour une personne atteinte de folie douce, au pire, c'est la tendinite assurée, et ce serait dommage de saboter une si belle journée, qui avait si mal commencé.

Tout bien considéré, ces matins nuls, on les aime quand même.
D'abord, on aime les matins.
On ne rajoute les quand même qu'après.
Un peu comme quand on devrait détester quelqu'un, et qu'on ne peut s'y résoudre.
Et qu'on l'aime quand même.
Ou le chocolat, qui nous fait à la fois, du mal et du bien ; sur le moment, c'est le nirvana, et même en ne culpabilisant pas de ne pouvoir s'en passer, on sait déjà ce que ça va donner sur les hanches. Tout pareil, vous dis-je.

Qui a dit qu'on avait pas droit au paradoxe, y compris les matins nuls d'abord ? Voilà, c'est fait.


Commentaires

  1. Effectivement, il m'arrive aussi d'avoir des matins comme ça, on le sent, ça va être l'horreur toute la journée. Comme toi, je marque une pause, surtout la douche et je respire. En espérant que la suite se passe mieux ! Il faut changer son état d'esprit !
    Line de https://la-parenthese-psy.com/

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    1. La remise du compteur à zéro, ça fonctionne bien. Chacun d'entre nous a ses propres astuces je pense. Toi la douche, moi le reset complet :D

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  2. J'aime beaucoup ton texte. Il est léger, plein d'humour. J'ai souri à plusieurs reprises
    Ca fait du bien :)

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