Le grand amour n'existe pas


Après la grande vadrouille de ces dernières décennies, le constat s'abat sur moi comme la foudre  sur l'inventeur du paratonnerre. Le grand amour, celui avec un A majuscule, celui qui force le respect mais également l'envie, l'être complémentaire dans l'absolu, l'ultime quête, et bien tout ça, c'est du vent.
Cependant, j'apporte aussi une bonne nouvelle.
Tous les autres amours, eux, sont bien réels, continueront à nous faire vibrer au rythme des cœurs qui s'emballent, ponctionnés de ces petits coups soudain, comme si le métronome avait des hoquets de surprise, oups, oups, chouette, montagnes russes en vue, bouclez vos ceintures, ça va secouer.
Après, chacun peut aussi choisir d'y croire quand même, de la même façon qu'on entre en religion, pas besoin de voir pour se sentir investi, c'est parfois une belle chose que de se laisser porter par des idées si grandes qu'elles ne peuvent se contenir en une seule personne. Du coup, les croyants qui se ressemblent, s'assemblent pour s'unir en une seule et même voix. Une seule et même voie. On peut considérer qu'il s'agit d'un grand Amour, aussi.

Lorsqu'on doute de notre capacité à aimer, il suffit bien souvent de plonger dans ses propres souvenirs. Et si jamais aucun ne mène vers une belle histoire d'amour, il se peut qu'un vrai grand chagrin puisse avoir le même impact dans notre imaginer amoureux. Si l'on est capable de souffrir d'amour, c'est qu'on peut aimer. C'est aussi simple que ça. Et je ne peux entendre les lamentations des uns et des autres qui ne restent figer sur les échecs car enfin, avant la fin d'une histoire d'amour, il y a aussi et surtout, le début. Ce moment incroyable pendant lequel on peut penser, à raison, que tout est enfin possible, que c'est arrivé, à notre portée, qu'il suffit d'embrasser pour être aimer en retour, que ces yeux là, qui se noient dans les nôtres, ne sont pas que le reflet de notre propre passion.

L'alchimie de deux êtres faits pour se rencontrer, peut être s'aimer, en tout cas, considérer cette perspective charmante, et s'en approprier la possibilité.
Parce que finalement, quand il s'agit d'amour probable, tout reste une affaire de possibilités. Et de probabilités.
Alors nous sommes face à deux options, du coup.
Soit on reste sur la terre ferme, et on calcule les chances de s'engager sur une histoire d'amour, et de la vivre jusqu'au bout.
Soit on laisse parler son cœur, et on voit venir, petit à petit, en mode découverte émerveillée, le cœur en bandoulière comme le poète avec ses poings dans ses poches crevées, les yeux plantés dans son idéal. L'aventure, quoi.

La suite ne dépend que de nous. Avons-nous besoin d'abnégation pour être aimé ? Je n'en suis pas du tout certaine. Pour preuve les couples autour de nous, qui ne font pas toujours dans la dentelle, se chamaillent, se disputent, se font la guerre, et l'amour aussi. L'amour n'est pas juste, ni droit, ni parfait.
Il est le sentiment le plus déstabilisant et le plus enivrant de tous.

Comment peut-on quantifier l'amour pour sa progéniture par exemple ? Une mère ou un père aime son enfant avec la force de l'instinct. L'enfant, c'est d'avantage de la reconnaissance, les premiers à lui apporter sécurité, rations alimentaires, affection. L'amour se construit pour lui autour de ceux qui sont là, pour lui.
Il s'agit juste d'amour, sans adjectif, par qu'il est, par sa propre essence ; nul besoin d'en rajouter.

Il se trouve que ce " grand A " me pose un sacré problème.
L'amour est le fil conducteur de chaque action entre les êtres humains, comme la haine, sa cousine germaine, qui se tient sur le fil rouge, celui du trop plein, de l'amour déçu, non partagé par exemple. Alors un grand Amour, c'est un peu le binôme bancal d'une grande Haine. Le bon et le mauvais, dans un même corps, juste sur un jeu de possibilités, un échiquier malencontreux sur le quel un quitte ou double peut faire de votre vie, le paradis ou l'enfer.
Ce pourrait-il que si le grand Amour n'existe pas, l'Aimer en grand soit la bonne formule ?
Je crains que non.
Le fait de se sentir obligé d'en rajouter me laisse perplexe. Pour un sentiment aussi fondamental, je crois que la pureté originelle se doit, comme pour tous les sentiments primaires en réalité.
On déteste.
On aime.
Simplement.

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