Vive la plage et son microcosmos : huiles ou emplâtres, faut voir



La promiscuité huileuse n'est plus ce qu'elle était, il faut bien l'avouer. Exit les tartines de Monoï et autres concoctions maison plus ou moins approximatives, les années 80 sont bien enfouies sous le sable, croyez-moi. Aujourd'hui, on s'enduit de pâte blanchâtre similaire à du dentifrice, sans le menthol. C'est ainsi que les plagistes de dos ressemblent à une multitude de pingouins le ventre tourné vers le nouvel arrivant, qui, faute de pouvoir décemment organiser une fuite (toujours la tong) se voit contrait d'adopter a minima le dress code du jour.
On reconnaît bien vite les non autochtones, toujours à fond sur la couleur vermillon, renforcée par la brillance de l'huile interdite.
C'est la gageure du vacancier lointain, que de vouloir cramer à tout prix, car à défaut d'un bronzage impeccable, le pelade de la déconfiture servira quand même de témoignage glorieux quant au front de mer tant attendu.
Mais le plus malin reste celui qui planque sous le parasol, comme un couard ! Parfaitement ! Ah c'est bien joli de faire des économies toute l'année pour s'offrir des vacances au bord de la grande bleue, encore faut-il avoir le courage, que dis-je, la gniak, la vraie, celle d'affronter les éléments, quoi qu'il doit lui en coûter. Et en parlant de pèze, c'est un véritable buisness, ces congés payés. Si le Front populaire avait compris que ces jours là, arrachés de haute lutte, serviraient aux salariés à dépenser plus encore, pour croire un court instant rejoindre le minuscule pourcentage des nantis de ce monde, vous savez, ceux qui ne font rien d'autre que de dépenser ce qu'ils n'ont jamais gagné, ceux dont la sueur ne tombe que sur les courts de tennis, ceux dont la décapotable se décline en fonction de la paire de chaussures choisies, je crois qu'il n'y a rien à ajouter à cela.
Ah si.
Il a été offert au commun des mortels un peu de rêve.
Et ça, ma foi, ça n'a pas de prix.
Enfin, celui d'un parasol ou d'une bouée canard, mais c'est bien peu de choses en comparaison d'une vie sans espoir.

Ne nous égarons pas.
Il y avait à la gauche de ma fouta, deux belles sénioritas plutôt fringantes dans leur bikini. Et vas-y que je t'emplâtre (au sens figuré), et que je dénigre les jeunes devant, et que je refais le monde le journal à la main, et le merveilleux moment de la nécrologie. Je les soupçonne de ne batifoler avec les pages d'avant que pour mieux savourer la liste plus ou moins longue des décédés de la veille. Et chaque nom leur évoque un souvenir. Tiens, Bapstiti, tu en connaissais un, Maggy, un plombier je crois. Comme il était moooooooche, le poooooovre. Et ça dure, et ça dure. Et c'est d'une truculence exquise. 

A ma droite, je m'y perds, les gens arrivent, s'auto-emplâtrent avant de s'engouffrer à toutes tongs dans les rochers, aïe, puis repartent au pas de course. Pardon, au rythme de la claquette. Parce qu'une tong portée par une personne qui tente de marcher vite, ça fait clac clac clac clac clac. Juste que si c'est une claque, je peux le faire en une seule fois, perso. Mais bon.

Derrière, une jeune femme brune, je la trouve vraiment chouette avec son air retenu sur ses loupiots, une gamine malingre comme un roseau, et le petit dernier dodu comme un porcelet. Elle s'ennuie un peu, ça se voit à la façon dont elle cherche une copine avec qui papoter, vu qu'elle est a deux doigts, et une longueur de serviette des sénioritas au paroxysme du rire à l'énoncé d'un certain Martino Veslasquequechose, que c'est pas trop tôt, il a bien fait chier toute le monde toute sa vie, ce connard. 
Triple choc.

Je m'y met gentiment, c'est si simple de copiner à la plage. Il suffit d'un sourire entendu, en général, le voisinage prête à la confusion, la consternation aussi. Un mot, puis un autre et voilà, on se connaît depuis trois minutes et on se raconte des trucs qu'on a pas osé dire à ses vraies copines. C'est fou.
C'est incroyablement salvateur de pouvoir se raconter, sans aucune inquiétude d'un jugement. Il suffira de changer de place demain. La plage se prête à l'oubli, comme à l'abandon.
Il suffit de voir tous ces corps presque nus, sous le soleil, sans qu'il y ait la moindre once de jugement ou d'angoisse. C'est un peu comme si chacun retrouvait sa place initiale, celle d'un être humain fait de chair, cette chair qu'on voudrait nous faire croire interdite, malsaine, à cacher du regard des autres. Alors que nous sommes tous, vraiment tous pareils.

C'est exactement ça, la plage.
Le lieu de la plus grande diversité avec la même attente.
Un peu de soleil et beaucoup d'eau.
J'adore la plage.

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