Vive la plage, y'en aura pour tout le monde



A Marseille, les plages ont été construites non pas pour offrir à la populace une station balnéaire inexistante, que nenni. L'idée de base, c'était de protéger les habitants des beaux quartiers des rafales du Mistral qui arrosaient copieusement leurs belles bagnoles, et leurs jardins en front de mer. Bé ouais. C'est nettement moins reluisant, c'est sur. Sauf qu'à l'arrivée, c'est bien le petit peuple qui a récupéré ces quartiers un peu trop chics pour en faire quelque chose de typiquement marseillais. Et c'est réussi. Les genres se mélangent, et c'est un sacré beau bordel comme on aime, par ici.


Depuis quelques années, évidemment, les blindés (par les chars, les riches quoi), ont trouvé le moyen de côtoyer, mais pas trop. C'est ainsi que les plages privées ont commencé à pulluler, au beau milieu des municipales, jusqu'à ce qu'une poignée d'irréductibles retraités bronzés comme seuls peuvent l'être les gens d'ici, parasitent allègrement l'implantation illégale, tout du moins, moralement, d'un kidnapping du littoral, ni plus ni moins.
Et oui.


C'est que les affaires sont salement juteuses, alors que le baigneur annuel n'a pas besoin d'un transat en location, lui. Quitte à décharger chaque matin son semi remorque, mais sachez qu'il ne manquera de rien, l'autochtone.
Parasol high tech qui ne se retourne jamais à l'envers, pied vissé dans le sable (c'est drôlement malin), transat de compétition (bande de petits joueurs, les plagistes payants, va…), tas de serviettes multicolores, glacière (faut ce qu'il faut), table pliante (et ouais), ventilateur à l'énergie solaire (ça, c'est fort), et tout un attirail à faire frémir d'envie le vacancier tout frais.
Mais cela ne s'arrête pas là.
L'autochtone est généreux, en plus.
T'as besoin d'un truc que tu as oublié ? Il l'a, et te le file. Cadeau qu'il te dit, avec son large sourire ultra bright qui irradie dans sa bouille caramel. Vraiment ? Oui.
Autant vous dire qu'il y a comme un attroupement collé/serré aux retraités annuels, et pour cause. 


Les plagistes remplissent leurs matelas avec autant de régularité que leur tiroir caisse, vu qu'ils ciblent une clientèle autre. Non pas le touriste, vous l'avez compris, qui lui s'est vite acoquiné avec les Géo Trouvetou de la digue. Non, les clients qui raquent, ce sont les petits enfants de ces derniers, qui n'en peuvent plus des papis qui font de la résistance, des aïeuls qui ont l'accent, à qui ils ne se risqueraient pas à se la raconter, vu qu'ils les connaissent par cœur. La plage payante, c'est pour s'extirper du cocon familial qui les étouffent de trop d'amour, trop de bruits, trop de rires fracassants.

On peut comprendre. Quinze balles la tranquillité c'est pas donné. C'est le prix à payer pour croire un court instant qu'on est quelqu'un d'autre, un VIP, ou que sais-je.
Sinon, pour le même tarif, t'as un sacré paquet de chichis frégis à l'Estaque. Beignets marseillais ultra gras garanti, avec du sucre, et tes doigts luisants comme les yeux des enfants dans une bouée géante en pneumatique.

C'est top, la plage.

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