Emmanuel, mon jeune ami,


Je me souviens de tout. 
De toi, dans ta chemise trop grande, à manches longues en plein été, tes petites lunettes aussi étriquées que ta vision des choses, tu croyais tout savoir et tu n'étais qu'un louveteau à peine sorti de sa tanière. 
Ta vie était toute tracée, tu avais juste un peu sauté les pieds joints dans la gadoue, tu cherchais à te refaire une virginité. 
Mais avant ça, tu as plongé encore plus loin, tout au fond de toi même, le nez dans la fange, la bouche pleine de vase, tes yeux un peu hagards, tu étais trop perdu pour te repérer de toute façon. 
Et voilà que tu es là, soudain, à attendre, comme une statue sculptée à même dans le fauteuil de skaï rouge, tu as chaud, tes cheveux se révoltent en épis furibonds. On t'écoute un peu, on parle beaucoup, trop. Ta voix est sortie de ce corps chétif, un peu replié comme s'il s'agissait de se protéger d'on ne sait quoi, et c'est une surprise. 
Elle est grave, aussi chaude que la température extérieure, et ça lui donne un moelleux inattendu. 
Tu parles peu, c'est un vrac étrange, mais ton regard paumé te sauve les fesses, et ça passe, curieusement. 
En partant, tu m'as remerciée et j'ai su, confusément, que tu allais bien me faire chier. C'est allé bien au delà de mes prédictions.
 Je n'ai aucun regret, j'aurai pu te laisser partir bien plus tôt. Mais je t'aimais déjà, c'était mort. J'ai lutté contre tout, les évidences, les autres, tes fuites, tes retours, et je me suis épuisée en vain. 
Certaines amitiés sont tellement violentes qu'on se sent parfois un peu démuni. Beaucoup d'émotions. 
A chaque petit bonheur, j'ai mémorisé les sons, parce que nous aimions pérorer sans fin, et c'étaient de fameux dialogues dont nous étions souvent les seuls à y entendre un traître mot.
Je pourrai écrire des pages et des pages quant à tes mérites et nos souvenirs resteront bien au chaud, comme de jolis petits pochons de lavande odorantes, entre deux couvertures aussi douces que ces semaines que nous avons un peu volé au temps de labeur.
Bref.
Et voilà que tu viens de mettre au jour ton premier live.
Je suis fière de toi, de ton parcours, de ta volonté.
De ton talent.
Qui rejaillit sur ceux qui t'aiment. Dont je fais partie, en aurais-tu jamais douté ? 
C'est un livre magnifique. 
Tu y places de la beauté à chaque phrase, et l'on ne sait plus comment le prendre. Des tableaux à l'écrit, des croquis si vivants, si précis dans tout ce que ton esprit aux mille détours a su saisir.
C'est ton tout premier, mon jeune ami.
Le début d'une oeuvre à venir.
Je n'attends que la suite.
Bravo !!!






Si d'aventure, vous êtes curieux de découvrir ce jeune auteur, voici de quoi le trouver online :
Obéissances à lumière: Le livre des croquis
par Emmanuel Courtois

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