Parlez nous d'amour


...
C'est clair qu'avec ces mois en dehors du temps, on a tous revu nos priorités absolues. Que celui qui nie soit vacciné sans préavis. Vous notez que je ne précise pas contre quoi...
Moi, je ne veux plus en entendre parler de tout ce bordel.
J'ai vécu de l'intérieur le marasme des soignants, totalement démunis face aux décès, malgré toutes les précautions possibles. J'ai pleuré, comme les copines, chaque matin, en arrivant, parce que dans la nuit, la mort avait encore frappé. Ah, certes, il y a eu des applaudissements au début. Puis, les masques. Les sur-blouses de cosmonautes, les secteurs fermés, la douleur dans nos cœurs, puis un matin, y'avait plus de larmes. On disait juste, voilà, un de moins. Pas moins de tristesse. Juste l'inéluctable.
Ce qui m'a permis de tenir, ce sont les quelques instants d'amour que j'ai pu arracher, comme j'ai pu.
Et pour les avoir, j'ai accepté plus que je ne me serai cru capable.
J'ai appris que mon karma, c'était sans doute l'apprentissage de la patience. Moi qui suis pétrie de foudre et de feu.
Des semaines à tenir.
Le silence. 
La solitude. La vraie. Celle qui te chope au moment de t'endormir. Qui fait que ton sommeil est bercé de tristesse. Y'a ces nuits entrecoupées de résolutions drastiques pour en finir avec les déceptions. Y'a aussi les sans rêves et c'est tant mieux. Y'a tes yeux qui ne veulent pas s'ouvrir, à cause de cet espèce de fatalisme qui finit par t'atteindre, toi aussi.
Et les jours chouettes, y'a ce sms qui te transperce le cœur, vu que tu avais prévu justement hier qu'on ne t'y reprendrait plus, mais l'espoir d'être aimée quelques heures, c'est comme si on t'offrait une perle au milieu de toute cette boue, alors oui, c'est oui. Mille fois oui.
Bien sur que tout le monde espère.

Bonjour mon amour

Ca t'explose en deux, ce genre de message. On veut tellement y croire, on fait semblant un peu, c'est si bon. L'adolescence est loin pourtant, ce temps des illusions parfaites. Nos cœurs tout neufs qui se prennent pour des artichauts, un été, un printemps, peu importe ce que cela durera, tant que l'ivresse nous emporte. On oublie tout, la prudence, la méfiance, les leçons tirées de l'expérience. Juste pour ces si précieuses minutes. On se parle d'amour, pour ne pas rester dans le silence de l'abandon. Ne m'oublie pas. Reste. Reviens. Sacrifie moi. Tant pis, c'est ainsi, parfois, l'amour. Mais donne moi des choses tendres, de celles que mon cœur peut comprendre, sans besoin de l'entendre. C'est à la fois si peu, et si fort.

On se souvient longtemps des mots d'amour.
Les disputes restent fugitives, y compris les plus terribles, les plus virulentes ; pourquoi garder en mémoire le pire, alors qu'on a besoin de place pour le meilleur ? Voyez comme la lumière s'allume au fil de mes phrases, comme je veux vous convaincre d'y croire, d'en vouloir des mots tout doux comme un chaton qui ronronne contre votre oreille.

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