Vacances : Jour 3


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Le front de mer.
C'est cette bande étroite de solide qui sépare la terre de la mer. Ce mot là n'est pas anodin. C'est une bataille inénarrable, les éléments se chamaillent et s'embrassent, tout à la fois. Les baisers mouillés des vagues, contre des milliers de grains, débris infimes de toute une vie organique, poussières calcaires, sable blanc, qui s'évanouit sous nos pas, épongeant toute trace des amants d'hier, rien ne reste vraiment, tout se transforme, tu sais bien.
Le front.
C'est aussi l'enjeu des baigneurs.
Extrêmement convoité, le front. C'est la satisfaction de n'avoir en vis à vis que la mer. Selon la hauteur du soleil, elle est quelque peu troublée, la mer. Malgré la distanciation récemment mise en place, le mètre cinquante, ce qui correspond grosso modo à un drap de plage, pour être précis, comme c'est commode.
Peu importe les nouvelles dimensions sociales, les fabricants de constructions éphémères s'en tamponnent. Leur art ne peut s'exprimer qu'avec un matériau humide et justement, il se trouve précisément sur le front.
Ce qui ressemble à un concentré de besoins essentiels sur une largeur à peine plus grande qu'un gamin de dix ans.
Quant on évoque la bataille des éléments, on peut y rajouter les conflits estivaux humains... Il n'y a pas de happy end à la pelle. Plutôt des coups de râteaux dans la gueule, des moules (!) de coquillages (!) prêts à être déposer, soit remplis à rabord d'une bouillasse collante du débutant en château de sable, bref, ça chauffe et pas qu'un peu.
Et cette guérilla balnéaire explique les sacs en plastique des habitués, qui ne s'étalent pas, eux. Déjà, le site est un peu le leur, par défaut, puisqu'ils s'y glissent toute l'année, à en faire des kilomètres dans l'eau jusqu'au bidon, flottaison de rigueur, et pour les plus courageux, nage synchronisée à grands renforts de moulinés, le bras qui dérouille, ce qui reste un paradoxe anecdotique pour un corps plongé dans l'eau. Nécessaire bien à l'abri dans le cabas d'un supermarché du coin, ça file direct vers l'aquagym, sans se prendre la tête avec les touristes constructeurs, les bobos en vacances, les chômeurs de circonstances, et toute cette faune australopithèque qui déambule joyeusement sur l'un des rares lieux encore gratuits pour tous. Une aubaine qui nécessite quelques sacrifices, aussi bien en terme d'acceptation que d'oubli passager d'une minima d'éducation.
Allez, soyons fous, ne restons pas sages. Tous à la plage !

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