Quand tout va bien et qu'on s'emmerde...

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Vous connaissez cette sensation, au réveil, genre tu t'étires en croix dans ton grand lit, bien au milieu, et t'es juste bien. Même le chat est obligé de composer avec l'étoile de mer en béatitude. C'est tellement déstabilisant pour lui qu'il ose même plus le miaulement perceur de tympan, celui qu'il te réserve à 5 h 55, soit une bonne heure avant ton prévisionnel. Il reste coit, un peu perplexe, assis à l'extrême angle droit de ton matelas, l'oeil légèrement réprobateur. 

Ces derniers temps, j'ai plutôt tendance à écouter l'ensemble de mon corps, c'est la faute à ce rythme cardiaque qui se fait insistant, bien plus extravagant que par l'ordinaire. Sans doute que les habitudes l'ont lassé. Il nous a concocté une petite rébellion de derrière les artères, ce qui est tout à fait désagréable. On a l'impression perpétuelle d'avoir le sang à la tête, mais il paraît que c'est le stress. Va pour le mal du siècle. Je suis déçue. J'espérai y avoir échapper. Le bougre est rapide. Et tenace.

Or donc, on me prescrit des congés. Il semblerait que j'en ai besoin. C'est merveilleux, dit comme ça, c'est presque Noel avant l'heure.

 Avez-vous remarqué comme les vacances sont bankables, depuis une certaine pandémie ? Il y a à peine vingt ans, on moquait un peu les touristes en goguette, avec leur appareil photo chevillé au poitrail, puis vint l'évolution technologique, avec ce satané téléphone, prolongement mécanique de notre corps, comme un troisième bras aux pouvoirs interactifs terrifiants. Il voit tout, entend tout, propage tout, à la fois preuve systématique de vos faits et gestes, petit doudou ultra plat aussi lisse que les cheveux des filles de nos jours. Nous pouvons donc suivre à la trace, et je ne crains que ce soit pile l'idée de départ, les jours bénis des vacanciers émancipés. A nous les photos de leurs petits déj, et globalement tout ce qu'ils vont assimiler dans leur périple. Nous allons vibrer aux sons de leurs maracas madrilènes, nous jeter avec frénésie de fêtes en visites de musées, nous découvrirons même les wawas de chaque pause pipi. Bref. L'affichage de tout ce bonheur frise l'indécence au pire, au mieux, l'exhibitionnisme. Passe encore s'il s'agit d'un partage familial, voire amical. J'ai dans mes connaissances une jeune fille qui est suivie, sur un réseau social, par environ 3000 personnes, dont elle ne connait qu'une vingtaine de têtes. Elle ne propose ni produits, ni conseils. Juste des photos d'elle, régulièrement... L'ennui peut aussi mener à l'exercice d'un narcissisme étrange...

Sachez que les pro-téléphones ne s'ennuient jamais, eux. Ils swippent. Tout le temps. Partout. Jamais seuls, eux. En connexion jour et nuit avec cette tentacule amovible.

Alors que moi, si je m'essaie parfois à la farfouillette d'informations, je la trouve bien souvent insipide. C'est du prédigéré, conçu pour une consommation facile, sans prise de tête, sans questionnement, sans réaction inappropriée, bref, ça ressemble quelque peu à quelque chose comme du ... contrôle...

La vérité vraie, quand chez moi, tout va bien, j'exulte. Je n'ai de cesse que de gambader comme un cabri, j'ai envie d'acheter des choses belles, arsouille des quartiers bobos, je les dérobe du regard, je me les mémorise pour mon imagier intérieur. C'est aussi la sensation d'avoir des ailes dans le dos, pour me propulser toute nantie de joie et d'allégresse telle une mini drone réjouissante, qui sèmerait des nuages de pâquerettes multicolores sous son passage chaotique.

S'il est exact que ces quelques jours de repos, un peu forcés, m'ont été salutaires, c'est que j'ai pris le temps de m'ennuyer. Je me doute que l'ennui n'a pas une très bonne presse pour vous, et moi-même ne suis pas sa plus grande fan devant l'éternel. Cependant, je dois reconnaître que ce tête-à-tête avec soi, ce n'est pas à la portée de tous. Moi, je n'ai pas vraiment eu le choix. Il fallait que je me retrouve. C'est difficile de se regarder avec sincérité. On se trouve toutes les excuses du monde. Certaines sont valables. D'autres, plutôt arrangeantes. Et quelquefois, on se rend compte qu'on est un peu dans la fuite des choses, pour ne pas se mettre trop à mal, trop à découvert aussi. C'est naturel. Et tout à fait légitime. 

J'essaie de tirer un bilan de ces instants un peu particuliers.

Je suis soulagée.

J'avais peur de regarder la réalité en face, j'ai un peu biaisé, mais enfin, je me suis souvenue que j'ai fait des choix avec un objectif. Que ces buts ont été oublié, non pas exprès, mais parce que la vie est ainsi, les évènements se produisent, nous projettent ici et là, on a si peu de temps pour tout, pour respirer à sa guise, faire des choses qui nous rendent heureux, donner de l'affection à ceux que l'on aime, leur dire aussi et ça c'est super important. Depuis quand n'avais-je pas dit à mon fils, à ma mère, que je les aimais ? C'est là que je suis allée gratter à la porte de mon grand fils, et que je lui ai dit, " Hey, mon grand, tu sais que je t'aime ... ". Il m'a un peu envoyée paître, genre, mais ça y est, elle a craqué ma daronne, m'en fiche. Juste cette petite phrase simple vient de me faire sourire.

Du coup, je fais la comparaison avec mes congés d'été. Quinze jours où j'étais dans une forme olympique. La première semaine, j'ai écumé les plages, les restos, les terrasses, les potes. Seconde semaine, j'allais toujours aussi bien mais c'était trop, finalement.

Alors que là, fichtre, je n'allais pas bien, non. Et pourtant, ce fut une semaine productive avec des remises en exergue de ce qui est vraiment important dans ma vie. Et surprise, il n'y a pas tant de priorités, si l'on y regarde de plus près. Il m'est apparu que si, à la vingtaine, on est en droit de se donner une flopée de rêves à réaliser, il serait raisonnable de redescendre et de planter mes pieds sur terre, ce qui est finalement bien plus compliqué, en ce qui me concerne, que d'abandonner mes chimères. Je lutte donc. Non, je n'irai pas explorer une planète inconnue, déjà que sortir de mon quartier de spot, c'est la traversée de l'Amazone.... Et c'est ainsi que mon ennui m'a démontré qu'il n'était pas un si mauvais compagnon de route....



Commentaires

  1. Je comprends mieux se regain d'écriture... cool pour nous ...

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    1. Tu sais, il y a toujours des projets, des textes inachevés, des moments d'incertitude... J'aimerai assez rajouter un ouvrage fini d'ici la fin de l'année ... J'y travaille, en douce, j'y travaille...

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  2. On attend avec impatience le livre .bisous.

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