Une dernière ligne tarabiscotée svp



...
Il y a une année complète, j'avais déjà avancé.
Le circuit de ce petit train misérable a fini sa boucle, sans provoquer le moindre cataclysme. Juste un effondrement personnel. Mais il restait déjà si peu, les fondations étaient si fragiles, les escaliers en papier, me suis cassé le bout du nez. Rip.
Donc...

D'accord.
On va dire que tu as plus que quelques jours avant de finir, techniquement, cette année, en dehors du temps, des mois bien dégueulasses.
On peut considérer raisonnablement que, pour une fois, la plupart d'entre nous se trouve dans la perplexité la plus totale.
Entre les confinés, les sorties autorisées, les lâchers prise, les débandades préméditées, les BBQ cachés comme des proscrits au temps de la prohibition (sérieux, les gars... tout ça pour trois saucisses... bref), les annonces gouvernementales soufflant le chaud et le froid sur les esprits passablement déjà dérangés de la population (le gouvernement a tout d'un PN, c'est un fait avéré...), et j'en passe, si on a, comme moi, l'idée saugrenue de lister les semaines passées, et bien, et bien, et bien...
Oui.
Je sais.
J'ai écrit trois fois " et bien ".
C'est ce qu'on fait lorsqu'on cherche une formule qui soit à la fois le plus près de la réalité, en restant compréhensible pour la majorité.
Et la confusion verbale, c'est un peu ma spécialité.
La congestion linguistique, c'est plutôt si j'ai un accès logorrhéique, ce qui arrive régulièrement aux êtres qui expriment un foisonnement trop intense d'idées.
Il se trouve dans mon entourage de nombreux cas, le talent s'échappe par des chemins si différents.
Je ne peux rendre hommage à tous, ils sont si nombreux.
Ne crois pas faire, ici, acte de flagornerie.
Chacun crée sa propre fratrie, finalement.
Il y a des multitudes de façon d'être ensemble.
J'ai toujours su que la présence physique n'était rien en comparaison de ce fil invisible qui relie les gens.
Il me suffit de savoir, avec la plus confortable des certitudes, que ces personnes existent, que je les ai croisées, qu'elles et moi, nous sommes connectées, que nous n'avons aucune illusion quant à la pérennité de nos retrouvailles prochaines. La vie n'est faite que de rencontres, de tentatives, de réussites, et quelquefois d'échecs.
Enfin, c'est une affaire de perspective, tout ça.
Et de moments.
Avant de foncer droit vers une nouvelle année, j'ai listé un peu les moments forts que j'ai pu vivre, au milieu de ce chaos.
Si je veux être tout à fait honnête, tout a été ponctué par une histoire en dehors des conventions sociales, un jonglage foireux entre déni d'amour et désir irrépressible. Il y a eu l'homme. Et lorsqu'il était là, plus rien ne comptait. J'étais comme hypnotisée. Il n'y avait plus que lui, ce qu'il me disait, ce qu'il voulait, et je ne savais plus que laisser faire, attendre, espérer, apprendre la souffrance.
J'ai essayé d'être la seule.
J'ai vraiment cru que je ne serai que la seule.
Et je l'ai peut être été, quelques jours. Quelques semaines.
Puis sa vie, à lui, a repris son cours.
Je n'ai aucune idée d'à quoi ressemble son quotidien. 
Il a tout verrouillé avec le plus grands soin.
D'emblée, j'étais exclue de tout.
Sauf son désir.
Il y a eu des ruptures.
Une par mois.
Et des retours.
Un par mois.
C'est fou comme on est capable d'accepter l'intolérable.
J'ai lutté, contre toute attente, excluant la raison de ma réflexion avec une régularité métronomique. Il m'apparaissait alors que toute lueur, la plus infime soit-elle, se devait d'être protégée. Et c'est ce que j'ai fait, bouleversant mes croyances, mon éducation. J'ai plongé inexorablement dans cet enfer pavé d'illusions, recevant parfois un semblant troublant d'affection, et il me semblait que c'était déjà tellement fantastique, alors que tout s'écroulait autour de moi. 
Bien sur que je vacille entre regrets et espoirs, encore.
Reconnaître que l'autre s'est montré cruel, c'est un peu avouer qu'on a cru ne rien mériter d'autre. Sinon, comment expliquer cette résilience patiente, quitte à de n'être que taxée de masochisme. Ce serait bien plus simple, de n'être que cela. Si seulement.
Alors que j'ai compté mes pas, à chaque instant, de ceux qui me menaient sur mon lieu de travail, là ou j'ai espéré apporter un peu de ma joie, un peu de ma flamme vive, sans vraiment compter, comme à mon habitude, sans m'économiser non plus, j'ai semé mes petits grains d'ivresse, ici dans le bitume un peu désert, par la force des choses. Les premières semaines furent à la fois les plus difficiles de toute mon existence, et Dieu sait que j'en ai connu de sévères. La vie ne m'a pas épargnée, et je soupçonne mon karma de n'être pas trop de mon côté, bien souvent. Il y avait ce travail d'une importance épuisante, me faisant courber les épaules, provoquant de terribles migraines, puisées aussi bien dans le désespoir de ne pouvoir faire mieux que dans le manque d'inspirations sans entraves. 
Il y avait mon partenaire de jeux, qui me libérait de tout, en s'attachant à parfaire mes possibles souffrances.
C'est fou comme il a su provoquer autant d'espoirs, lui qui n'avait absolument rien à donner à quiconque.
Il y a eu des abandons.
Des adieux qui n'en n'étaient pas. Des tentatives de compréhension.
Puis des représailles silencieuses. De petites trahisons discrètes nécessaires pour accorder un pardon qui n'était même pas demandé, tant l'homme s'auto-absous sans y penser un seul instant.
J'ai découvert que le silence n'est pas l'acceptation, et bien souvent une arme redoutable. Lorsque la parole s'efface, ce sont les actes qui sont mis en exergue. Qu'il s'agisse d'amour, de générosité ou de lâcheté, de malhonnêteté. Si je ne dis mot, je suis soudain le témoin et tout prend alors son sens réel. 
Puis, il s'est produit le pire.
Le désamour est arrivé.
Lui, je le connais par cœur.
Tu te réveilles un matin, et t'as ton cœur qui est tout creux, tout vide, tout sec comme un vieux cookie oublié dans un bocal sans couvercle. C'est moche cette sensation là. D'un coup, y'a plus de saveur à rien. Et ça ne fait que commencer. Bientôt, c'est plus long d'oublier qu'on a aimé, que ce temps furtif, si fragile, que d'aimer. On peut comprendre qu'il y existe un paquet de gens qui ne s'y risque plus. C'est un peu comme si on te propose un deal aberrant, en te disant, ok, aujourd'hui, tu as droit à un verre de vin fabuleux, tu vas le boire, et tu vas naviguer une poignée de secondes au paradis, mais alors un truc de fou, ça va te marquer pour le reste de ta vie. Par contre, après, tu vas te prendre une maga cuite qui va durer trente jours. Tu fais quoi ?
Ben voilà, l'amour, c'est ça en fait.
Tu sais pas à l'avance si tu vas gagner la cuite de la misère, ou rester coincé à l'Est d'Eden.

L'Eden !
J'arrive...



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