Mes théories farfelues & complotistes : Mon félidé est une ancienne concierge

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Avertissement aux lecteurs : si vous n'avez pas de chat, vous ne pouvez pas comprendre...


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Vous ne l'avez sans doute pas remarquée, postée, immobile, juste en contrebas de la porte fenêtre. Ce n'est pas étonnant, elle sait se placer dans le reflet de la vitre, petite statue noire et rousse.

Elle sait chaque régulier, son heure de passage, ses humeurs, à sa façon de marcher, plus ou moins vite, plus ou moins encombré, les souliers neufs, le vêtement trop chaud, le vent qui lui pique les bras ou les mollets.

Ses oreilles sont mobiles à l'excès, petits satellites curieux. Elle reconnaît la voix de notre mathématicien du second, les pépiements de la gamine du troisième, et vérifie à l'œilleton de la porte d'entrée que ses informations sont correctes. Elle fait le gué sur la marche de l'escalier, lorsque nous descendons ; à l'inverse, si elle constate que les clés sont en main, elle ne daigne ne nous adresser qu'un regard condescendant, au mieux, un miaulement bref et rauque indiquant sa désapprobation.

Son emploi du temps est chronométré à la minute, tant la vie trépidante gigote, là, sous ses yeux d’ambre sans âge. Rien n’échappe a son rayon visuel, rien ne se soustrait à ses pavillons indiscrets. 

Son langage est codé, seuls une poignée d’initiés sont en capacité de traduire l’inénarrable, les secrets d’un quotidien sur la portion d’une rue, les pas pressés ou indolents, les bribes de bavardages, l’incohérence de quelques mots qui se sont perdus entre ses oreilles pointues d’intérêt.

Il y a aussi les petits habitants souterrains, de ceux dont les activités nocturnes sont si intrigantes qu’elles nécessitent de nombreux contrôles d’usage.

Son existence est centrée sur les autres, et je le crois un peu télépathe, elle sait de façon infaillible les genoux disponibles, les mains caressantes, les facéties prévisibles, les temps de jeux qui ne durent jamais assez longtemps, et ce, malgré le poids des années qui alourdissent un peu sa silhouette gracieuse.

Si d’aventure elle entrevoit une possibilité de discussion, elle tournicote avant d’inspecter le canapé, puis grimpe commodément toutes griffes dehors, les accoudoirs faisant fonction de branches basses d’un noisetier familier, quémande signes d’amitié, et une fois rassurée de l’affection de son vis-à-vis, elle raconte.

Par exemple, et pour l'anecdote, la patience de cette personne qui vit, de l'autre côté de la rue. Ses fenêtres sont soulignées de maigres lierres qui courent un peu sur les volets décrépis, camouflant à grand peine les écailles de peinture. De temps en temps, on voit émerger un géranium ou un cyclamen, qui bien vite, piquent du nez pour finir le nez piqué dans le terreau. Ma petite concierge domestique indique tout cela, avec force jeux de moustaches, d'oreilles et œillades complices. Je vous avais prévenus, elle connait son monde.

Ses appréciations sont sans appel, et parfaitement vérifiables...

Si vous saviez tout ce qu'elle voit, et garde en son for intérieur...





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