Mes théories farfelues & complotistes : que trouve-t-on au fond d'une piscine ?

 


...

Je nage.

Une à deux fois par semaine.

Ce n'est pas anodin.

Déjà, je n'étais pas sûre à cent pour cent de flotter encore. Lorsque je suis arrivée au bord du bassin, j'ai eu comme un doute, un court instant. Et si je coulais à pic, direct ? Ce qui pourrait passer pour une peur ancienne, mais pas du tout, je nage depuis l'âge de 4 ans. Comme bon nombre de marseillais de ma génération, les parents ne faisaient pas tout un foin avec notre capacité de flottaison. Mon père connaissait le principe de la poussée d'Archimède, tout corps plongé dans un fluide, blablabla. Mon retour, après une vingtaine d'années d'absence, n'est pas une évidence loin s'en faut. J'avais commis quelques tentatives, entre deux. Le problème avec le sport et moi, c'est cette affaire de contrainte. Les obligations, y compris celles qui sont nécessaires, me gênent aux entournures. 

Me connaissant, il me fallait bien plus qu'une certitude de dérouillage global, même s'il m'est appréciable. J'ai commencé par compter. Les longueurs. A partir de dix, on sent les articulations qui bloquent moins, nos gestes s'allongent. C'est comme si on se diluait un peu dans l'eau chlorée, notre charge mentale est moins pesante, et petit à petit, on oublie de compter, la concentration s'accentue sur les gestes essentiels, la respiration se régule, et ce second souffle attendu est là, soudain. A partir de là, le temps n'est plus omniprésent, on oublie. Mon cerveau qui mouline sans arrêt se permet une petite pause. Je ressens parfaitement l'envolée distraite de mes pensées, elles s'éparpillent ici et là, balayent tantôt le fond à l'émail craquelé, tantôt les bords usés, quelques silhouettes que je croise, des anonymes qui ne noient rien, juste des nageurs, à chacun son rythme.

Au fond, il y a toujours un détail infime qui me rappelle à l'ordre. Un bouchon coulé bleu foncé. Une barrette cassée. Un minuscule morceau de carreau désolidarisé. La barre métallique sous laquelle les enfants en apprentissage sont censés passer dessous. Elle se trouve à environ 1m20, ce qui me semble très profond pour des enfants si petits. Ils n'y arrivent pas souvent. Et remontent avec un peu la rage de l'échec, et la moue boudeuse. Je m'interdis la moindre tentative, de peur de rester coincée dessous, ce qui serait du plus grand ridicule ; en même temps, ça n'a jamais tué personne et je me dis régulièrement qu'un de ces quatre matins, je filouterai la vigilance approximative du maitre nageur pour espérer réussir ce plongeon qui pourrait paraître affligeant, certes, mais me fait rire intérieurement. 

Je me suis toujours demandée après quoi courraient les joggers. On peut légitimement se poser la même question pour les nageurs. Que cherche-t-on à noyer, dans ce bassin ? Nos chagrins, nos peurs, nos angoisses ? Ou est-ce bien autre chose, comme je le pressens. Cette eau dans laquelle nous plongeons, elle nous lave de tout, nous renvoie à l'origine du monde, de notre propre vie aussi, notre corps à nous, celui plongé dans la matrice, à l'abri. L'eau est protectrice, aussi. Elle purifie, nous rend un peu meilleur, peut être. En repartant, souvent très en retard d'ailleurs, je sais que j'ai gagné quelque chose d'inestimable. Un peu de sérénité.

Et pour info, aucun pull marine au fond de la piscine...

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